mardi 13 juillet 2010

Mondial: Joseph Blatter félicite l'Afrique du Sud... qui doit confirmer

JOHANNESBURG — Le président de la Fédération internationale de football, Joseph Blatter, a mis "9 sur 10" à l'Afrique du Sud, qui "a prouvé qu'elle pouvait organiser un évènement" comme le Mondial, mais la presse locale demande confirmation dans la gestion au quotidien du pays.
"L'Afrique a mérité nos compliments: elle a prouvé qu'elle pouvait organiser un tel évènement, il s'agissait d'y croire et d'avoir confiance, nous y avons cru et ils l'ont bien fait", a dit M. Blatter lundi à Johannesburg, au lendemain de la finale Espagne - Pays-Bas (1-0 a.p.), lors de la conférence de presse de clôture du Mondial-2010.


Le président de la Fédération internationale de football, Joseph Blatter, au côté du président sud-africain Jacob Zuma, le 11 juillet 2010 à Johannesburg


Mais puisque la première Coupe du monde organisée sur le continent a prouvé que l'Afrique du Sud était capable d'efficacité, à condition de volonté politique, la presse locale appelait lundi les leaders du pays à ne pas se reposer sur leurs lauriers.
"Maintenant que le pays a prouvé ce dont il est capable, il doit agir de la même manière pour fournir les services de base à son peuple", écrit le quotidien The Times.
"Hier, c'était la finale mais ce n'était certainement pas la fin, c'était le début d'un meilleur avenir pour l'Afrique du Sud et l'Afrique", a promis lundi matin le président Jacob Zuma.
Les défis sont de taille dans un pays où, seize ans après la chute de l'apartheid, plus de 40% de la population vit toujours avec moins de deux dollars par jour et les services publics restent défaillants dans les quartiers les plus déshérités.
La sécurité, principal sujet de préoccupation avant le Mondial dans un pays où l'on dénombre 50 homicides par jour en moyenne, a été maîtrisée. "Il n'y a pas eu un seul incident grave, a précisé le secrétaire général de la Fifa, Jérôme Valcke, rien n'a menacé la Coupe du monde, il y a seulement eu des petites choses, mais c'est normal pour un évènement de cette ampleur".
"Il faut féliciter la police sud-africaine, a souligné M. Valcke, elle a travaillé avec tous les départements de sécurité, ils ont fait plus encore qu'on n'attendait, le Commissaire des services de police Bheki Cele a été remarquable, je dis: +Bien joué et merci+".
"La population sud-africaine a désormais une autre vision de sa police, plus respectueuse", a expliqué à l'AFP Delia Fischer, coordinatrice de la Fifa en poste en Afrique du Sud depuis deux ans.
Les transports formaient l'autre point d'inquiétude avant le Mondial, et il y a bien eu des problèmes dans ce domaine, des spectateurs arrivant en retard ou même ratant des matches. Le développement de transports en commun, qui ne sont pas dans la culture du pays, est un des défis du futur, amorcé par l'organisation de la Coupe du monde.
M. Blatter, qui a adressé "un énorme compliment à l'Afrique du Sud et au peuple sud-africain", a estimé que le tournoi "avait changé la perception dans le monde de l'Afrique et des Africains".
Il a conclu sa conférence de presse en rendant hommage à Nelson Mandela, icône de la nation, venu saluer la foule avant la finale dans une petite voiturette. "C'est lui qui a amené la Coupe du monde en Afrique du Sud, il la voulait, il voulait venir voir hier que le rêve était devenu réalité. Je rends hommage au plus grand humaniste vivant, Nelson Madiba Mandela."


Polémique autour de l'image de Mandela mort en Afrique du Sud

  • Par Sabine Cessou
RTR2GA6N_CompL'après Coupe du monde commence fort. «Une insulte au peuple sud-africain, une oeuvre de mauvais goût, un affront aux valeurs de notre pays». C'est en ces termes que Jackson Mthembu, porte-parole du Congrès national africain (ANC, au pouvoir), a condamné une peinture montrant Nelson Mandela mort, dans un pastiche du célèbre tableau de Rembrandt, La leçon d'anatomie du Dr Nicolas Tulp (1632), exposé dans un centre commercial de Johannesburg.
La polémique ne pouvait tomber plus mal: Nelson Mandela a fait une brève apparition avant la finale du Mondial, hier, cédant en partie aux pressions de la Fifa, dénoncées par son petit-fils Mandla Mandela. La Fifa tenait à ce que ce soit Mandela qui remette le trophée aux vainqueurs: fatigué et en deuil, à cause de la mort de son arrière-petite-fille de 13 ans dans un accident de voiture, le jour de l'ouverture du Mondial, l'icône internationale a fait un petit tour, avant de rentrer chez lui. Pendant ce temps, la polémique faisait rage, autour d'un tableau ayant commis le crime de lèse-ANC de montrer Mandela mort.
RTR2GA4S_Comp(2)Sur l'œuvre, on voit l'ancien président nu et allongé, tandis que le jeune Nkosi Johnson, un célèbre orphelin du sida mort à 12 ans, en 2001, pratique l'autopsie, sous le regard de l'archevêque Desmond Tutu et des ténors de la politique sud-africaine, parmi lesquels Jacob Zuma, Thabo Mbeki et Frederik de Klerk. La galerie marchande de Hyde Park a reçu des plaintes sur le tableau, deux jours après son accrochage: une amie de l'une des filles de Nelson Mandela a fait savoir au peintre, par téléphone, que la famille était outragée. «On m'a dit qu'il y avait eu une mort récemment dans la famille et qu'ils étaient toujours en deuil», explique le peintre Yuill Damaso, 41 ans, blanc, basé à Johannesburg et connu pour son goût de la provocation. L'artiste a déjà eu maille à partir avec la Fondation Nelson Mandela en 2002, pour avoir peint Mandela avec des dreadlocks ou en vieillard.
«Dans la société africaine, c'est un acte de sorcellerie de tuer une personne vivante comme dans cette soit-disant oeuvre d'art, a déclaré Jackson Mthembu, le porte-parole de l'ANC. C'est aussi atteindre à la dignité de Tata (grand-père) Mandela que de le montrer nu, exposé aux regards de curieux, dont certains ont vu leurs idéaux d'apartheid mourir avant eux.» Le mot "apartheid" est lâché. Sous-entendu: parce qu'il n'a pas été exécuté par un Noir, le tableau est soupçonné de racisme.
Les réactions qui pleuvent en disent plus long sur l'atmosphère parfois pesante qui peut prévaloir en Afrique du Sud, en dépit des impressions d'unité et de réconciliation données par la Coupe du monde de football. Le journal qui a publié l'œuvre en une, The Mail & Guardian, détenu par des intérêts blancs, est lui aussi soupçonné d'œuvrer contre la dignité et les libertés constitutionnelles. Jackson Mthembu a d'ailleurs indiqué que l'ANC était plus déterminé que jamais à mettre sur pied un «tribunal des médias».
Peu importe que l'artiste, Yuill Damaso, ait rappelé son «immense admiration pour Nelson Mandela», ou expliqué qu'il s'agit pour lui et ses compatriotes de «faire face à la mort prochaine de Mandela, en tant que personnes et en tant que nation». Peu importe, aussi, que Rapule Tabane, le directeur adjoint (noir) de la rédaction du Mail & Guardian, estime que l'oeuvre traite de «l'état actuel de la politique dans notre pays et la signification de Mandela dans ce contexte». Explication livrée par Rapule Tabane : «Ce tableau pose la question : Qu'est-ce qui a tué l'esprit si spécial que Madiba a apporté à notre vie nationale ? Ce n'est pas une réflexion ou une anticipation de la mort littérale de Mandela en tant que personne, mais un questionnement sur l'état de la nation et son iconographie. C'est le genre de travail que les artistes font tout le temps...». 
Ilustration © Reuters / Yuill Damaso en train de travailler à son œuvre controversée et le tableau. 

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